Je suis né dans un petit hameau de campagne, où la misère était notre quotidien, la terre ingrate et les voyageurs inexistants. Lorsque j'en ai eu l'âge, j'ai quitté mon hameau pour faire fortune ailleurs. À cause de ma timidité et de ma carrure fragile, j'ai enchaîné les tâches déplaisantes. Et puis, à contrecœur, j'ai commencé à raconter que j'étais un aventurier. En réalité, j'étais toujours le même gamin paumé qui recherchait un petit boulot. Un jour, je me suis rendu à Gardepierre... et ma vie a basculé.

Gardepierre abrite les plus gros gisements de mica brun souterrains, mais son extraction n'a jamais été facile. À l'époque, seule l'Alliance des tailleurs de pierre avait le droit de l'extraire, et seulement pour bâtir le château du premier seigneur de Gardepierre.

Extraire du mica brun est un métier dangereux : il faut se méfier des basilics ou des mandragores, friands du minerai. C'est pourquoi l'Alliance fait appel à des aventuriers pour s'occuper de cette tâche.

Tout ce que je savais à mon arrivée à Gardepierre, c'était que le mica brun était très précieux. Je savais aussi qu'un tel événement ne manquerait pas d'attirer les aventuriers en nombre. J'ai suivi le mouvement et me suis rendu au village. Je rêvais déjà de remporter le premier prix, même si mes chances d'y arriver étaient infimes. Au moins, en participant, je pourrais me garder un petit bout de mica brun pour le revendre, et laisser les basilics et les mandragores aux aventuriers chevronnés. C'était une occasion rêvée pour moi.

L'événement était organisé par les maisons des tailleurs de pierre de Gardepierre : la maison de la cale, la maison du marteau, la maison de la hache et, celle que j'oublie toujours, la maison du bois.

Pour participer, il fallait inscrire son nom sur l'une des quatre listes de ces maisons. Mon choix s'est porté sur la maison de la cale. Le concours a ensuite débuté, et je me suis mis à extraire du mica brun. Au bout d'un certain temps, le porte-parole de l'Alliance a déclaré qu'un prix spécial serait décerné à celui ou celle qui récupérerait le plus de mica brun dans chacune des maisons.

À ce moment-là, l'ambiance a changé. La liste de la maison de la cale était remplie de très bons aventuriers, qui récoltaient du mica brun à une vitesse folle. Mes chances de l'emporter étaient nulles. C'est alors que j'ai décidé de transférer mon nom dans la maison avec les moins bons adversaires pour essayer de m'inscrire sur sa liste. Seulement, tout le monde avait eu la même idée, et la compétition devenait difficile sur chaque liste. Soudain, un pilleur de tombe a été aperçu. Je me suis vite caché en attendant qu'il passe. J'étais tétanisé.

En observant le tableau des scores, j'ai remarqué que le passage du pilleur avait perturbé une maison. J'ai alors transféré mon nom une fois de plus vers cette liste. À la fin du concours, j'avais dû changer de liste une bonne dizaine de fois. Quand j'ai changé pour la dernière fois, il ne restait plus que 30 secondes au compteur. J'avais déjà une belle quantité de mica brun, mais il m'en fallait plus pour l'emporter. À la fin du concours, j'étais fébrile, je tremblais de partout.

Après ce qui m'a paru une éternité, l'Alliance a annoncé les noms des vainqueurs. Et... j'ai entendu mon nom ! Quand on m'a remis mon prix, j'ai vu toutes les épreuves que j'avais surmontées au cours de ma vie défiler devant mes yeux. Je pleurais à chaudes larmes, sans réussir à m'arrêter.

Cette expérience inoubliable m'a enseigné la détermination et à avoir confiance en mes capacités, à tel point que je me suis inscrit à davantage de compétitions. J'en ai d'ailleurs remporté plusieurs par la suite. Après quelques victoires, j'avais amassé une belle somme. J'ai tout investi dans l'ouverture de mon échoppe au château de Gardepierre. C'est à partir de cet instant que j'ai raccroché ma dure vie d'aventurier.

Le concours est toujours organisé chaque année. Je recommande à quiconque lit ces mots de participer au moins une fois à cet événement. Inutile d'en faire trop au début. L'important, c'est de participer. Le jeu en vaut vraiment la chandelle, pas simplement en termes d'argent, mais aussi pour changer de perspective.




(Cet article a été subventionné par l'Alliance des tailleurs de pierre de Gardepierre.)